Oui, une très belle ambiance et d'excellents souvenirs.
Ces détachements, tout comme je l'imagine chaque "Opex", sont l'occasion de mettre en avant une grande qualité du soldat français, sa débrouillardise, autrement dit, le système D.
Et on ne reculais jamais devant quelques "chapardages" ou quelques trocs afin d'améliorer l'ordinaire et la vie en petite communauté.
Les palettes bois fournissaient le combustible des barbecues, nous fournissions de la farine à un boulanger local qui nous fabriquait du bon pain, les colis venant de France regorgeaient de saucissons, conserves fines, de revues...
Notre plus bel "escamotage" fut un conteneur 20 pieds qui fut aménagé en cantine/bar pour le petit groupe du contrôle aérien.
Avec la complicité des gens du Génie de l'Air, le conteneur sauta par dessus le merlon de protection pour atterrir en douceur au milieu de nos baraquements préfabriqués, au pied de la tour de contrôle.
En 93 et 94, c'était encore très "chaud" à Sarajevo, et les nuits étaient régulièrement constellées de traçantes de tous calibres, sans compter ce satané T55 qui rôdait à proximité de notre camp, tirait quelques salves et retournait en vitesse se planquer jusqu'au lendemain.
Les premières nuits furent pénibles, puis on s'habitue peu à peu.
Le tacatac des kalachnikov et mitrailleuses lourdes 14.5, les roquettes de 123mm ou les tirs de mortiers ne m'empêchait plus de dormir, seul ce foutu T55 me réveillais avec le crissement métallique de ses chenilles.
Une nuit, on entendit un grand "BOUM", et c'en fut fini du maudit T55
C'était loin d'être le club med...
Lorsque j'ai débarqué de l'Ilyushin 76 sur le tarmac surchauffé de Sarajevo en 1993, c'était pour courir me réfugier à l'abri des merlons en passant au milieu des gars que nous allions relever qui nous faisait un rempart de leurs corps.
A peine posé nos sacs qu'on nous distribuait notre "kit de survie" pour nous mettre dans l'ambiance : Un casque en kevlar et un gilet pare-balles, ainsi qu'un PA Mac50 avec un chargeur de 5 cartouches...
Je fais une petite parenthèse pour féliciter le travail effectué à Sarajevo par les équipes chargées de décharger les avions.
C'était un travail extrêmement pénible en été, avec la chaleur des moteurs des avions, le port du gilet pare-balles (modèle lourd pesant une dizaine de kilos), la pression imposée par la cadence infernale des déchargements pour que les avions restent le moins longtemps possible sur le tarmac (un C130H chargé à bloc ètait déchargé en moins de 7 minutes).
Sans compter l'isolement dû aux nombreuses interruptions du pont aérien, l'absence de téléphone, le courrier qui mettait jusqu'à 2 semaines à nous parvenir, les copains blessés par des tirs, les rations de combat qu'on avait au minimum deux fois par semaine (sans porc, pays musulman oblige)...
Et donc, tout ce qui pouvait améliorer l'ordinaire et le moral des troupes était alors toléré par les chefs.
Et tout était prétexte pour faire la fête, et maintenir la cohésion de l'équipe.
Mais, même si parfois il y eut quelques abus, la mission passait avant tout, et les avions continuaient à se poser, malgré les conditions très particulières du terrain de Sarajevo.
Ceux qui n'ont pas connu cette expérience auront peu-être du mal à me croire, mais on acquiert, dans les zones de combat, certains réflexes qui une foi de retour à la civilisation, peuvent faire sourire.
Ainsi, l'explosion d'un pot d'échappement de voiture, un pétard qui claque me faisaient sursauter, et je me suis même retrouvé allongé face contre terre en pleine rue...
Voilà! encore de bons souvenirs